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NÊNE.

— Tu ne manges pas ? Tu as plus d’une lieue à faire, songes-y… Voici ta soupe.

— Merci !… je ne veux rien.

— Tu es malade ?

Elle secoua la tête sans répondre et ses lèvres s’allongèrent avec un tremblement.

— Tu es malade, Madeleine ?

— J’aimerais mieux être malade… j’aimerais mieux être morte !

La mère se signa puis elle leva vers sa fille ses mains maigres, ses mains de laveuse aux jointures raidies.

— Madeleine, tu ne parles pas à mon gré. On n’appelle pas le malheur, on le prend quand il vient… Pleure, cela te soulagera… Voilà quinze jours que ton chagrin te ronge comme une mauvaise fièvre. Si c’est raisonnable ! se mettre ainsi en mal de mort parce qu’on change de condition ! À trente ans, belle et grande et forte comme tu es !… Si tes sœurs te voyaient, qu’est-ce qu’elles diraient !…

Sur les épaules rondes, sur les bras lourds, lentement, elle promenait ses doigts las dont la peau était usée.

— Allons, bois ce café… avec une petite goutte… C’est cela !… Va, maintenant ; travaille et contente tes nouveaux maîtres, ma fille.

Madeleine prit ses hardes et s’en alla.

À deux cents pas elle s’arrêta. Il faisait déjà chaud ; elle s’aperçut que son paquet, mal épinglé, trop gros, trop rond, l’embarrassait beaucoup. Elle s’assit pour le refaire. Mais comme elle dépliait une