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NÊNE.

Le médecin entretenait toujours l’espoir du blessé touchant la prime de la Compagnie d’assurances et la place qu’on lui donnerait après sa guérison.

Madeleine croyait ces promesses prêtes à se réaliser et l’annonçait bonnement. Mais Michel redressait ses dires — avec prudence pour ne pas l’attrister avant l’heure.

— Il a bu tout un litre avant de monter sur la machine… c’est connu… et on partira de ça… Quant à la place du gouvernement…

Il faisait un geste vague, ne voulant pas parler devant Boiseriot qui, ami des curés, ne votait pas avec lui dans les élections.

Madeleine l’écoutait, surprise de cette douceur qui ne lui était pas habituelle. Elle sentait confusément qu’il parlait de la sorte pour ne pas heurter son chagrin et elle lui en savait gré.

Elle lui savait gré aussi de sa complaisance, de son empressement à lui faciliter ses voyages à la ville. Il lui avait dit : — Toutes les fois que votre désir sera d’aller voir votre frère, allez-y et ne prenez aucun soin du reste.

Michel n’était plus le jeune patron fantasque aux yeux inquiets et durs. Sa véhémence s’était tout à fait assourdie et il parlait comme un bon camarade d’esprit sensé et d’humeur égale.

Madeleine l’aimait mieux de la sorte. Et, malgré les paroles dites qu’elle n’oubliait pas, un espoir calme vivait encore en elle : c’était sur son cœur comme un vent tiède et lent après une bourrasque saccageuse. Plus tard — qui pouvait savoir ? —