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JEANNE-DES-HARENGS.

C’était bien un camarade d’enfance. Quelle joie !

Les premières questions échangées, il me parla tout de suite de l’embellissement du village. Il s’en montrait tout fier.

Je l’appelai Vandale, ce qui le fit beaucoup rire.

« C’est donc pour cela que je t’ai trouvé en admiration devant l’étalage de Jeanne-des-Harengs ! s’écria mon ami. Il n’a pas changé, celui-là.

— Dieu merci !

— Jeanne pourrait cependant faire mieux. C’est aujourd’hui une grosse marchande, et les clients ne lui manquent pas. Mais elle dit qu’ayant toujours vu sa maison ainsi, elle ne la veut pas autrement.

— Elle a, parbleu ! bien raison. Et comment lui est venue tant de prospérité ?

— Oh ! d’une façon curieuse : tout d’un coup, en un jour ! Et, tiens, l’aventure a eu son dénouement le mois dernier.

— Quelle aventure ?

— Voici : Jeanne, qui maintenant va toutes les semaines à Chalon pour renouveler ses marchandises, qui a deux chambres, et qui, luxe effréné, raccommode ses vieilles robes avec des pièces de la même couleur, Jeanne était pauvre encore, comme tu te le rappelles, il n’y a pas plus d’une dizaine d’années.