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JEANNE-DES-HARENGS.

On voyait, d’un côté, trois harengs saurs, un almanach, deux écheveaux de fil bis, un plumeau d’oie, un sifflet et un petit paquet de vermicelle.

L’autre vantail, réservé à la confiserie, était orné de deux bonshommes de pain d’épice, fortement piqués par les mouches, et d’un bocal, plein mi-partie de dragées, mi-partie de sucres d’orge.

Ce naïf et singulier assemblage de choses, qui m’était resté dans l’esprit, je le retrouvais tel après vingt ans.

Deux larmes —pourquoi le cacherais-je ? — deux larmes me montèrent aux yeux.

Il me semblait voir passer mon enfance, entendre notre bruyante sortie de l’école, les poussées, les disputes, les batailles… Et, immobile, pensif, rajeuni, je restais a rêver en considérant un sifflet de deux sous.

J’étais là depuis quelques minutes, lorsqu’un jeune homme pouvant avoir mon âge, et qui montait lentement, s’arrêta à deux pas de moi.

11 me regardait avec une obstination bienveillante qui finit par attirer mon attention.

Je l’examinai à mon tour. Le cœur me battit… il me semblait connaître ce visage. Je me nommai en saluant.

Il me tendit les deux mains.