Page:Perrault - Les lunettes de grand'maman, 1885.djvu/14

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
8
LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

Mon père accourut bouleversé.

Jenny fut renvoyée sans que j’eusse la bonne pensée de dire un mot pour l’excuser. J’en fus quitte pour un bain et quelques frictions de glycérine, et la leçon ne me corrigea pas, loin de là.

Mon père m’aimait trop pour avoir le courage de me gronder, et je continuai à abuser de mon pouvoir et de sa faiblesse.

Cela dura ainsi plusieurs mois ; mais un matin papa se plaignit de douleurs au côté. Le médecin, appelé aussitôt, dit que c’était une fluxion de poitrine… et, le neuvième jour, j’étais deux fois orphelin.

J’aimais bien mon père, et surtout m’en sentais bien aimé.

Quand j’embrassai sa main toute refroidie, je fus atterré ; je sentis que j’avais tout perdu.

Le souvenir me revint d’un pauvre petit oiseau dont la mère avait été tuée et que j’avais vu au jardin quelques jours auparavant, blotti contre une branche, tout malade. On me dit qu’il allait mourir, parce que c’était un petit rossignol et que ces oiseaux-là ne peuvent s’élever sans leurs parents.

Moi aussi je n’avais plus de parents. Qui donc saurait m’aimer comme eux ?