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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

tresse et elle prenaient chaque matin du café au lait… « du bon café, insista-t-elle en gémissant. Et madame déjeunait dans sa chambre. Elle passe une bonne heure après à visiter ses pauvres. Mais elle dit comme ça, ajouta la brave fille, que les domestiques de là-bas, même des employés de la préfecture, lui ont dit vos défauts. Il paraît que vous en êtes farci, mon pauvre mignon : gourmand, colère, méchant, paresseux, plein de vanité. Tous, quoi, tous !… »

Ce récit, fait à bonne intention, ne pouvait m’être agréable, mais je n’osai protester.

Je n’avais qu’une qualité, une seule : je n’étais pas menteur. Je n’ai jamais pu déguiser la vérité ; même pour me défendre, même en jouant. Si j’avais ouvert la bouche, c’eût été pour convenir que tout ce qu’on avait raconté était vrai… Et, naturellement, j’aimais mieux me taire.

Devinant bien que j’étais humilié, Gertrude reprit :

« Écoutez, monsieur Maurice, si vous voulez me promettre de ne rien dire, pour ne pas me faire gronder, je vais vous donner un morceau de chocolat et du pain. Vous irez vous promener au jardin en mangeant et vous ne rentrerez qu’après avoir fini. »

J’acceptai joyeusement et je m’enfuis.

Tout en grignotant mon chocolat, je ruminais ce que