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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

Elle m’expliqua alors que ce que je croyais notre propriété était celle de l’État ; que mon père, obligé par sa position à faire beaucoup de dépenses, s’était ruiné, et que je ne possédais plus rien.

Mon petit orgueil reçut ce jour-là une rude atteinte, mais mon entêtement ne céda pas pour cela d’une ligne.

— C’est égal, repris-je, je ne veux pas de soupe.

— Comme tu voudras, » répondit sèchement ma grand’mère, qui, ayant fini, prit son chapeau et sortit pour aller à la messe du matin.

Vers neuf heures, l’appétit me talonna si bien que je retournai à cette maudite écuelle. Mais la soupe était froide. Je la trouvai mauvaise. J’eus alors recours à ma ressource ordinaire. Je me mis à crier de toutes mes forces en tapant des pieds.

Gertrude accourut.

« Ah ! bon Jésus ! qu’est-ce qui vous arrive ? »

Je redoublai mes cris.

« Pauvre petiot, ça a été gâté, quoi, et dorloté de trop, c’est sûr !... Mais madame qui veut tout changer ? C’est pour vot’ bien, allez, monsieur Maurice, ce que fait vot’ grand’mère. J’en sais quéque chose, moi ! »

Et Gertrude se mit à me raconter que jusque-là sa maî-