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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

— Une allumette, s’écria Gertrude. Ce n’est toujours pas possible.

— La voilà, » dit ma grand’mère en lui présentant l’objet. Je n’étais pas très à mon aise.

« À présent, pensai-je, elle va trouver ce maudit charbon… »

Cela ne manqua pas. Son couteau fut arrêté par un corps dur qu’elle chercha de la pointe.

« Ah ça, Gertrude, qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà de la braise, à présent. »

La pauvre fille, sûre de son innocence, se mit à me considérer… Mais, craignant de me faire punir, elle n’osa rien dire pour se défendre.

« C’est en garnissant mon fourneau que ce malheur sera arrivé, fit-elle humblement. Quant à l’allumette, voyez, madame, ça ne peut rien risquer. Elle est brûlée du bout. »

Ma grand’mère fit un signe de tête affirmatif et me servit ; puis elle posa une belle tranche de foie sur son assiette.

Mais, dès qu’elle y eut goûté, elle s’arrêta, et je sentis sous ses lunettes son regard se fixer sur moi d’un air qui me donna froid dans le dos… C’est que mon ragoût était horriblement mauvais avec son petit goût de framboises et son jus transformé en sirop… Je m’en étais assuré…