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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

« Il n’y a que les fées qui savent tout, me disais-je en errant à travers les allées du jardin… aussi loin que possible du tonneau d’arrosage. Est-ce qu’elle le serait ? Une vieille fée méchante, oh ! bien méchante, par exemple ! »

Une fois cette pensée éclose dans mon cerveau, elle y fit des progrès extraordinaires. Je me mis à examiner attentivement ma grand’mère, à tourner autour d’elle, cherchant la baguette dont toute fée est pourvue.

Mais j’eus beau regarder partout, je ne découvris rien.

Enfin, un soir qu’après m’avoir mis au lit, Gertrude était venue, comme d’habitude, travailler près de sa maîtresse, je l’entendis qui lui disait ;

« Je n’ai plus d’argent, madame, et c’est demain jour de marché. »

Ma grand’mère se leva, car je distinguai son pas un peu traînant, puis elle ouvrit l’armoire dont je reconnus le petit grincement particulier, et elle revint vers son fauteuil.

« Hélas ! dit-elle, me voilà au bout. Ces deux voyages ont coûté si cher ! Malgré toutes nos réformes, nous dépensons encore trop, ma fille. »

Gertrude soupira sans répondre.

« Allez vous coucher, reprit ma grand’mère, il est neuf heures.  »