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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

« Nullement. Tout ce qui est ici m’appartient, et n’appartiendra qu’à moi tant que je vivrai. Tu as donc volé. Et souviens-toi bien de ceci, Maurice : qui ne s’habitue pas dans son enfance à respecter le bien de ses parents a de grandes chances pour ne pas respecter plus tard le bien d’autrui. »

Maintenant que je vois cela de loin et que je réfléchis, je reconnais que ma grand’mère avait cent fois raison ; mais, sur le moment, je ne voulus rien entendre. Je me mis à pousser des cris, et, fou de rage, je sortis de mes poches tout ce que j’y avais fait entrer.

Quel travail !

La seconde pomme alla rejoindre en courant la première sur le parquet ; puis, j’y lançai successivement de la ficelle, des pruneaux, du raisin à l’état de compote et la poire molle devenue marmelade, etc.

Mes deux mains fouillaient à la fois chacune de son côté.

La vue de tous mes trésors acheva de me rendre furieux. Je pris mon chapeau, je le lançai au travers du reste, et, redoublant mes cris, les mains crispées dans mes cheveux, je piétinai sur le tout.

Quelle bouillie !…

Grand’mère se leva. Elle me prit les deux bras. Son visage avait pâli, sa main tremblait un peu.