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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

Mais, juste à ce moment, M. Salmont leva la tête et m’aperçut. Il faut croire que ma figure était joliment drôle, car il partit d’un éclat de rire qui arrêta net les trois joueurs de boston.

Bien sûr, ils allaient suivre la direction de son regard et me voir aussi. Je rentrai ma tête comme un diable dans sa boîte, ne laissant plus dépasser que mes deux mains par lesquelles je me cramponnais.

Quelques secondes pleines d’anxiété s’écoulèrent… Mais tout à coup j’entendis M. Salmont répondre à ma grand-mère :

« Ce qui me fait rire, chère madame, le voilà… grande misère à cœur. Vous serez tous battus. »

Mon vieil ami ne sut jamais tout ce qu’il entra de reconnaissance dans mon baiser du dimanche suivant.

Les jours se passèrent sans que ma rancune s’éteignît.

Chaque fois que mes yeux rencontraient la place où avait eu lieu l’exécution, je tressautais malgré moi. Je ne pensais qu’à effacer l’affront par quelque chose de terrible… Mais quoi ? Je n’avais pas encore trouvé.

Je me répétai si souvent que, pour réussir, il aurait fallu avoir à mon service les lunettes-fée, que, malgré les diffi-