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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

— Pour me venger, » répondis-je.

Me doutant pas qu’à l’instant même mon souhait se réalisât, je regardais ma grand’mère pour voir si déjà elle se rapetissait. Mais elle n’avait nulle idée de sa transformation prochaine, ni de ce qui l’attendait ensuite, c’est certain, et même elle devait rêver à quelque chose de gai, car je la vis positivement sourire, quoique ses yeux restassent clos.

Ce qui se passa alors fut aussi loin que possible de ce que j’attendais, et je mis bien des jours à pouvoir le comprendre.

Une main invisible m’avait arraché violemment les lunettes, un souffle puissant comme un vent d’orage avait éteint ma bougie, et je sentis deux bras, des bras qui me semblèrent gros comme des arbres, m’enlever de terre et m’emporter… où ? je l’ignore, car je m’étais évanoui.

Lorsque je revins à moi, j’étais couché dans mon petit lit.

« Comment suis-je là ? » me demandai-je.

Alors j’entendis très distinctement un éclat de rire étouffé. Ma maudite fée se moquait de moi, probablement.

Je ne fermai pas l’œil de la nuit. Quelle figure allais-je faire le lendemain, en face de ma grand’mère, à qui sa protectrice ne manquerait pas de tout raconter ? Me me serais-je pas attiré quelque effroyable châtiment par cette