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LES LUNETTES DE GRAND’MAMAN.

dents de notre deuil me sont encore présents à la mémoire.

Mon père était préfet dans un des départements du Centre.

Je n’avais ni frères ni sœurs, nos grands parents n’habitaient pas la même ville que nous ; aussi lorsqu’on eut emporté ma pauvre petite maman, nous restâmes terriblement seuls, papa et moi, dans notre grande maison dont tous les volets étaient clos.

Vers l’après-midi du second jour, une vieille dame que je ne connaissais pas arriva.

Elle était grande, maigre, toute ridée ; ses cheveux étaient blancs, et de grosses lunettes en argent, à verres bleuâtres, cachaient ses yeux.

Ces lunettes avaient cela de particulier que leurs branches étaient recouvertes d’une gaine de soie de chaque côté des tempes, et allaient se perdre dans les cheveux bouclés de la vieille dame.

Papa me dit que cette personne était ma grand’mère maternelle. Je ne compris pas tout de suite que cela voulait dire qu’elle était la mère de ma petite maman.

« Va l’embrasser, Maurice, ajouta mon père.

— Elle a l’air méchant, répondis-je.

— Je t’en prie, mon chéri.