Page:Perrin, Jean - Les Atomes, Félix Alcan, 1913.djvu/174

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’ÉQUILIBRE STATISTIQUE DES ÉMULSIONS

contre, on n’eût pas osé affirmer davantage que tous les grains ne finiraient pas par se rassembler dans le voisinage immédiat du fond, ce qui eût indiqué pour une valeur infiniment grande. Personne ne pensera que, dans l’immense intervalle a priori possible, on ait pu obtenir par hasard des nombres si voisins du nombre prévu, cela pour chaque émulsion, dans les conditions d’expérience les plus variées.

Il devient donc difficile de nier la réalité objective des molécules. En même temps, le mouvement moléculaire nous est rendu visible. Le mouvement brownien en est l’image fidèle, ou mieux, il est déjà un mouvement moléculaire, au même titre que l’infrarouge est déjà de la lumière. Au point de vue de l’agitation, il n’y a aucun abîme entre les molécules d’azote qui peuvent être dissoutes dans l’eau et les molécules visibles que réalisent les grains d’une émulsion[1], pour lesquels la molécule-gramme devient de l’ordre de 100 000 tonnes.

Ainsi, comme nous l’avions pensé, une émulsion est bien une atmosphère pesante en miniature, ou plutôt, c’est une atmosphère à molécules colossales, déjà visibles, où la raréfaction est colossalement rapide, mais encore perceptible. À ce point de vue, la hauteur des Alpes est représentée par quelques microns, mais les molécules individuelles sont aussi hautes que des collines.

  1. Bien entendu, ces grains ne sont pas des molécules chimiques où tous les liens seraient de la nature de ceux qui relient dans le méthane l’atome de carbone à ceux d’hydrogène.
151