fallait encore dévorer mon chagrin. Mon premier
soin fut de me montrer autant que la
bienséance me le permettrait ; j’allai souvent
chez la Valcourt ; je n’oubliai rien de ce qui
pouvait annoncer une parfaite tranquillité.
Comme il ne paraissait à mon train rien de
changé, on me fit autant d’accueil qu’auparavant.
Ce qui surprit étrangement, fut l’absence
de Bellegrade, qui, selon toutes les justes combinaisons,
ne paraissait pas cadrer avec celle
de l’homme qui lui devait être le plus à charge.
Chacun raisonna différemment sur cette aventure.
Comme on n’ignorait pas la manière dont
sieur Valérie avait traité le chevalier, on soupçonnait
que ce dernier avait joué quelques
ressorts pour l’inquiéter. On conclut même
qu’il n’avait été arrêté que sur quelques dépositions
de son ennemi. Quelque peu sensé que
fût ce raisonnement, il ne laissa pas de paraître
juste à quelques-uns. Certaine animosité que
je ne pus m’empêcher de témoigner contre
Bellegrade confirma ces soupçons, et acheva de
détruire toutes les idées d’intelligence auxquelles
j’avais donné sujet. Il m’eût été bien doux
de déclarer Bellegrade pour un fripon ; mais
mon honneur était attaché au sien. À peine eus-je
goûté l’idée qu’on s’était formée sur la détention
de l’un et le départ de l’autre, que j’entrai
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DE JULIE