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LES ÉGAREMENTS


il jugea à propos de me tirer du sang. Cette feinte indisposition eut tout le succès que j’en attendais : sur le soir M. Démery vint voir si je m’étais un peu rassurée ; mais il fut bien effrayé lorsqu’après lui avoir fait signe de ne point faire de bruit, Rose lui eut appris mon indisposition. Quoiqu’au lit, j’étais sous les armes ; je m’attendais bien à sa visite, dans laquelle je lui donnai tout lieu de se faire l’application de cet accident. Il me prit la main, me demanda si je me trouvais un peu soulagée, me pria de vouloir bien tourner les yeux de son côté : l’air de langueur et de confusion avec lequel je le regardai lui fit juger de la révolution qui s’était faite en moi. Il s’accusa secrètement de mon mal, et joignit aux sentiments d’amour et d’estime qu’il avait pour moi une tendre pitié qui lui arracha des larmes. Le tableau était touchant ; j’y représentais une jeune personne effrayée de ses sentiments, indignée de sa faiblesse, et qui, vaincue par la force de sa passion, rougissait de s’être trahie elle-même en l’avouant : la vertu surprise, humiliée, semblait en moi gémir des égarements du cœur ; et ce dernier s’y montrait la victime des plus cuisants remords d’une sage éducation.

M. Démery de son côté laissait voir, au travers de son embarras, un homme confusément