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DE JULIE


je gémisse sur mon sort avant de songer à vous plaindre ; un cœur se soulage à s’épancher : tout m’est interdit… J’en rougis, un instant vient de m’enlever le prix des violents efforts que je m’étais faits jusqu’ici. Êtes-vous content, monsieur, de m’avoir, par l’aveu de ma faiblesse, rendue indigne de votre estime, dans le temps que sieur Valérie…? Voilà donc le fruit de mes sages réflexions ! M. Démery, qui n’avait d’abord osé interpréter ces paroles à son avantage, n’en eut pas plutôt compris le sens qu’il tomba à mes genoux, et les arrosa de ses larmes. Jamais homme ne fut plus transporté : la surprise, la joie, la reconnaissance lui firent presque perdre les forces, dans l’instant même où les amants doivent au contraire travailler à les ranimer. La bienséance m’engagea à quitter la place, et à le laisser seul réfléchir sur l’aventure à laquelle il s’attendait le moins. Qu’une pareille déclaration avait bien en effet de quoi flatter un homme qui désespérait de tout ! L’obstination avec laquelle j’avais toujours refusé ses offres depuis son présent, le confirma dans la haute idée qu’il s’était faite de ma régularité. Il ne fut pas plutôt sorti que, pour mieux colorer le violent effet du honteux aveu qu’il m’avait arraché, je me fis mettre au lit : et ayant accusé au chirurgien une suffocation d’estomac,