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LES ÉGAREMENTS


une porte de communication que j’avais déjà bien remarquée, et je distinguai, à la faveur de la lumière, M. Démery qui entrouvrait les rideaux de mon lit. Je jouai l’assoupissement : j’affectai d’être surprise en me réveillant ; je me plaignis de son procédé, je redoublai mes instances pour qu’il se retirât ; mais il n’en fit rien : il fallut consentir à l’entendre. Jamais homme ne s’exprima plus passionnément ; la façon dont il s’y prit persuada la bienséance : il m’exagéra la frivolité des scrupules qu’on oppose aux plaisirs, et fit disparaître le préjugé comme une chimère entièrement subordonnée aux gens sensés. Que je me sentis soulagée pour lors ! j’étais impatiente, et moins en état que jamais de prolonger les grimaces d’une vertu expirante. Que j’eusse passé d’heureux moments si sa pratique eût répondu à sa théorie ! qu’il avait d’art à émouvoir ! Avare nature, tu ne sembles accorder un don que pour en refuser un autre ! triste et humiliante épreuve à laquelle furent réduits mes désirs ! je me vis bientôt passer à la fâcheuse impossibilité de les satisfaire. M. Démery, qui m’avait dit de si jolies choses, me fit cruellement éprouver qu’elles ne servent qu’à nous disposer aux effets. Le sentiment a son mérite, j’en conviens ; mais ce n’est jamais que la nourriture du cœur, et je l’aban-