me laissa dans un état encore bien plus difficile
à feindre qu’à supporter. Il était cependant de
conséquence de ne donner aucune prise sur moi
de ce côté par la moindre altération. Je ne parle
point de la douleur de perdre un amant aimé ;
je ne cherche point à peindre ces situations
affligeantes, qu’on ne soulage que par la facilité
qu’on a de s’y livrer ; rien de plus ordinaire :
mais comment exprimer ces difficultueux efforts
pour faire céder à un feint enjouement la tristesse
la plus amère ?
Comment rendre la violence qu’il faut se faire continuellement pour paraître ce qu’on n’est pas ? Qu’on ne nous reproche point l’art de feindre, nous le payons souvent bien cher par les efforts qu’il nous coûte. Il me fallut enfin, les huit premiers jours, me mettre à l’unisson des plaisants sur le compte de ceux qui avaient perdu leur Armide : oui, il me fallut affecter une liberté d’esprit satyrique, dont je me sentais intérieurement le principal objet. Quel personnage ! qu’il me parut dur à soutenir ! J’avais en vérité grand besoin que ce temps se passât ; je me sentis bien soulagée dès que je pus me livrer à mon chagrin. M. Démery ne tarda guère à se ressentir de ma mélancolie, il ne négligea rien pour en pénétrer le sujet ; mais ses recherches furent inutiles, et cette douce sécurité, dans