agneaux du Seigneur : j’avais observé certaine
grosse brebis régulièrement adhérente à ses
chastes côtés, et j’en avais tiré quelques conjectures.
Madame Charon, c’était son nom, était
une bonne chrétienne d’environ trente-cinq
ans, taillée à profit, dont la gorge aurait pu
dans l’obscurité faire prendre le change ; des
yeux noirs ombrés d’une paire de sourcils
significatifs, un nez comme un autre, la bouche
fraîche et un menton à deux rangs : ces appas,
tout robustes qu’ils étaient, comme on voit,
pouvaient bien encore être de ressource au
démon de la chair, pour faire niche à un
Séraphin. À l’égard de ses manières, elles
étaient édifiantes ; séquestrée du commerce de
la satire, elle ne semblait en faire grâce qu’à
charge de revanche ; humaine au possible,
bonne pâte de femme, exacte à ces dehors de
piété par lesquels on réussit si bien à en imposer :
tenait-on quelques propos gaillards, madame
Charon baissait les yeux, comme pour
méditer avec plus de recueillement sur la nature
du sujet, après quoi ses regards furtifs ne
s’élançaient sur sa Révérence qu’avec les précautions
d’un œil qui craint de se trahir. Les
inquiétudes qu’elle avait témoignées à mon
sujet, lorsque je parlais au père Ange, achevèrent
de me confirmer dans mes soupçons :
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LES ÉGAREMENTS