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DE JULIE


demoiselles : il fallut par politesse être indiscrets, et demander qu’il nous fût permis d’admirer, ce qu’on n’eut garde de refuser. Il est bon de savoir, pour l’intelligence de la chose, que M. Nicolo, l’Amphion de ces demoiselles, était un aveugle de naissance qui touchait l’orgue à un couvent de religieuses. Cet homme, des plus volumineux qu’il en fût, était un animal d’habitude, qui avait adopté un fauteuil dans lequel je m’étais malheureusement placée, et qui était situé à un des bouts d’un clavecin que je n’aurais jamais soupçonné de l’être : de sorte que croyant, à son ordinaire, se mettre à sa place il se précipita sans façon sur mes genoux : il est vrai qu’au premier cri que je jetai il se leva en me proposant excuse, et se traîna en tâtonnant à l’autre bout du clavecin, où Vépry, cédant aux éclats de rire, ne put éviter qu’il ne lui patinât le visage en croyant être à la touche. Madame Guillaume nous dit, en levant les yeux au ciel, que c’était grand dommage qu’il eût la vue basse, que c’était un bon musicien. Le ressouvenir de cette petite catastrophe, se joignant au comique de la leçon, de l’instrument et de la voix, nous ne pûmes retenir quelques bouffées de rire qui s’échappèrent malgré nous. Heureusement que M. Colin nous fournit un heureux prétexte ; car