bijoux et en argent, au moyen de quoi je retrouvais
une petite ressource, dont j’aurais infailliblement
été privée, si le tout eût été chez moi
lorsque la justice s’y transporta. J’écrivis à
M. Morand de vendre ce qui était entre ses
mains, de m’envoyer trois mille livres à Aix, et
le reste à Avignon, où je comptais me réfugier.
Je n’eus pas plus tôt fait voir les espèces à mon
geôlier, que, de peur qu’il ne me prît envie de
changer d’avis, il accéléra, à mon grand contentement,
les moyens de me procurer ma liberté.
Je n’eus pas besoin de lui recommander beaucoup
les précautions nécessaires pour me faire
gagner le large, il était lui-même assez intéressé
à ce qu’on ne me rejoignît pas. Et ayant fait par
un tiers préparer une chaise de poste, qui m’attendait
aux portes de la ville, j’y montai déguisé
en abbé, et n’en descendis qu’à Avignon.
J’y respirai enfin ; et la vue délivrée de tous les
objets sinistres qui m’environnaient depuis trois
mois, je goûtai le prix inestimable de la liberté :
je m’applaudis autant d’être échappée des mains
de la justice que si j’avais été dans le cas d’en
craindre la sévérité. Cette malheureuse catastrophe
me coûta cher ; je pris néanmoins mon
parti, et me rendant à la nécessité des événements,
je tirai ma consolation de mon malheur
même, qui m’apprit que les plus honnêtes gens
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LES ÉGAREMENTS