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DE JULIE


n’étaient point à l’abri des plus grandes infortunes : je pensai qu’il aurait encore pu m’arriver pis.

La dure situation dans laquelle je m’étais trouvée réduite par l’ingratitude d’un jeune homme que j’avais tant aimé, et qui m’avait tant d’obligations, m’avait bien guéri le cœur : je me trouvais entièrement détachée de Vépry. Sensible à son accident, j’en avais versé des larmes au moment même qu’il fallait m’en justifier ; mais il m’était devenu tout à fait indifférent. Six jours après être arrivée je reçus pour cinq mille livres de lettres de change que m’adressa M. Morand : c’était le produit de mes effets, et l’unique reste de ma petite fortune, à laquelle il fallait encore faire une furieuse brèche, car je ne pouvais me dispenser de pourvoir aux nouveaux besoins d’une garde-robe : il n’était plus question de penser à mes effets de Marseille, et je ne voulais pas garder plus longtemps l’uniforme sous lequel je m’étais expatriée, et qui m’avait, dès le second jour de mon arrivée, jetée dans un embarras assez comique. Certaine vieille femme logée dans la maison où j’avais loué une chambre garnie, s’étant avisée de se trouver mal dans ce monde, et suppliant qu’on l’aidât à passer dans l’autre, mon hôtesse, accompagnée de quelques commères, vint me re-

  
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