mois ensemble, pendant lesquels il trouva avec
moi toutes les facilités qu’on peut désirer dans
l’adversité : ma bourse lui fut toujours ouverte ; je
ne négligeai ni soin, ni protection pour lui procurer
une place, qui, dans sa situation, lui était
d’une grande ressource. Quelle apparence pouvait-il
y avoir qu’après tant d’obligations j’eusse
quelque chose à craindre de sa part ? Ce fut
cependant ce monstre d’ingratitude qui, supposant
que j’avais quelque intelligence secrète avec
des ennemis de l’État, m’exposa à des recherches
dans lesquelles le hasard manqua de me
perdre. Cet homme, ou plutôt ce frénétique, se
fit un mérite, pour s’accréditer dans son poste,
de me dénoncer, quoique son meilleur ami,
comme suspect : je fus arrêté et conduit à la Bastille.
On se saisit de mes papiers, sur lesquels
ce traître avait jeté les yeux, et l’on y trouva la
lettre d’un ami qui avait hasardé quelques plaisanteries.
Je fus enfin prisonnier pendant trois
ans, après lesquels on me remit en liberté.
Ce second trait me causa tant de chagrin, que je résolus de voyager pour me dissiper. J’allai à Londres, où deux mois après être arrivé j’essuyai un autre malheur, qui ne provint encore que de ma sensibilité. Me retirant un soir un peu tard, j’entendis à quelques pas de moi les cris d’un homme qui se mourait ; mon pre-