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DE JULIE


cette bonne femme s’était attristée avec moi, elle pleurait de joie de me voir si contente : elle ne m’avait presque jamais vue que languissante et abattue, il était bien juste qu’elle participât à mon bien-être, ayant si longtemps partagé ma douleur. Je me reconnaissais alors, je retrouvais cette liberté d’esprit, cette gaieté de cœur, qui donne, pour ainsi dire, l’essor à toutes les facultés de l’âme. On m’avait préparé mon ancienne chambre, où j’entrai dans un état bien différent de celui dont j’en étais sortie. Je me rappelai les agitations que j’y avais éprouvées : ce séjour, où tous les objets semblaient autrefois pleurer avec moi, ne m’en offrait plus que de riants. Nous dînâmes la Remy et moi : ma nouvelle hôtesse vint au dessert me faire quelques courbettes, que je reçus assez cavalièrement. Je me fis, après le dîner, apporter du papier et j’écrivis à M. Morand, auquel j’envoyai ma procuration, et que je priai d’adresser, à lettre vue, mes coffres à l’hôtel Carignan.

Il n’était pas plus de trois heures lorsque M. Poupard arriva. On le conduisit à ma chambre, où je lui fis sentir que je ne m’étais déterminée à venir sitôt que pour le recevoir plus décemment. Je fis monter l’hôtesse pour lui demander le nom du notaire qui avait passé ma procuration : je savais bien qu’elle ne s’en tiendrait pas