qui ne tendît à le rendre tel que je le désirais
pour m’y livrer : j’eus cependant, malgré tout
cela, la cruauté de le faire languir pendant trois
semaines, après lesquelles je fis une pauvre
épreuve de son mérite ; mais en prenant toutes
les précautions imaginables pour qu’on n’en
pût dans la maison avoir le moindre soupçon :
quelquefois même M. Poupard me reprochait
mes manières sèches à son égard. Il est vrai que
notre intrigue ne dura pas longtemps ; j’aurais
même peine à rendre compte de ce qui me détermina
à lui accorder quelque chose : il rencontra
sans doute le moment. Nous étions sur
un canapé, dans mon cabinet, occupés à arranger
des découpures ; il en tomba quelques-unes ;
je fis, en voulant les ramasser un mouvement
qui lui fit quelque avantage, il en profita : ses
mains se saisirent de ce que je ne pouvais lui
arracher ; une espèce d’indécision sur le parti
que j’avais à prendre l’enhardit, il alla en avant.
Il ne faut, on le sait bien, qu’un instant pour
émouvoir : il me promit beaucoup et ne tint
rien. Quand une fois on a permis à un homme
d’être impertinent, c’est un pauvre sujet s’il
cesse de l’être. Le second jour enfin je connus
à n’en point douter le faible de mon amoureux,
et j’en aurais été fort embarrassée si, trois semaines
après, il n’eût été rappelé à son régiment,
où il eut le malheur de se faire tuer.
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LES ÉGAREMENTS