Page:Perrin - Les Egarements de Julie, 1883.djvu/40

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
24
LES ÉGAREMENTS


reconnaissable ; le changement d’air avait fait en moi un effet tout à fait avantageux, et je puis dire qu’à treize ans ma taille et mon embonpoint m’en auraient fait adjuger les seize accomplis. Les désirs chez moi n’avaient garde de démentir cet extérieur prématuré ; je me sentais un goût avide pour tout ce qui avait rapport à la tendresse : déjà même on remarquait en moi certaine langueur qui faisait soupçonner quelque secret penchant ; mais l’extrême gêne dans laquelle on me tenait, sans répondre de mon cœur, servait du moins à régler mes démarches. La Château-Neuf prêtant ses attentions pour moi, ne me perdait jamais de vue : d’ailleurs les soins qu’elle se donnait pour me former à l’usage du monde, et me rendre les manières aisées, lui avaient acquis certaine autorité sur moi, qui me réduisait à une entière soumission.

L’Église de St Honoré était la seule où l’on me menait ordinairement les fêtes et dimanches, entre onze heures et midi ; j’étais vêtue assez proprement, et quoique je ne pusse y entendre aucune des fleurettes qu’on débite aux jolies filles, je m’aperçus bien, et avec satisfaction, qu’on me remarquait. Je mis tout en usage pour fixer l’attention ; j’affectai même souvent contre la Château-Neuf l’air mécontent que