reconnaissable ; le changement d’air avait fait
en moi un effet tout à fait avantageux, et je puis
dire qu’à treize ans ma taille et mon embonpoint
m’en auraient fait adjuger les seize accomplis.
Les désirs chez moi n’avaient garde de
démentir cet extérieur prématuré ; je me sentais
un goût avide pour tout ce qui avait rapport
à la tendresse : déjà même on remarquait en
moi certaine langueur qui faisait soupçonner
quelque secret penchant ; mais l’extrême gêne
dans laquelle on me tenait, sans répondre
de mon cœur, servait du moins à régler mes
démarches. La Château-Neuf prêtant ses attentions
pour moi, ne me perdait jamais de vue :
d’ailleurs les soins qu’elle se donnait pour me
former à l’usage du monde, et me rendre les
manières aisées, lui avaient acquis certaine autorité
sur moi, qui me réduisait à une entière
soumission.
L’Église de St Honoré était la seule où l’on me menait ordinairement les fêtes et dimanches, entre onze heures et midi ; j’étais vêtue assez proprement, et quoique je ne pusse y entendre aucune des fleurettes qu’on débite aux jolies filles, je m’aperçus bien, et avec satisfaction, qu’on me remarquait. Je mis tout en usage pour fixer l’attention ; j’affectai même souvent contre la Château-Neuf l’air mécontent que