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LES ÉGAREMENTS


comme l’on voit, ne faisait pas languir l’action.

Entre les mains de qui le sort m’avait-il abandonnée ? Le lecteur, que le commencement de ma vie a si justement prévenu contre moi, pourra-t-il, en me chargeant de blâmes et de mépris, me refuser quelque pitié ? Mon tempérament, il est vrai, me décidait pour le plaisir ; mais l’on ne veut me le défendre que pour me plonger dans l’infamie ! N’étais-je donc pas assez malheureuse d’avoir du penchant pour le vice, sans qu’une pernicieuse éducation me forçât, pour ainsi dire, d’en tirer parti dans le plus honteux commerce ? À peine entrée dans le monde, j’y reçois, sous les apparences de la vertu, les impressions du libertinage ; ceux qui me frondent sans miséricorde pensent-ils qu’il soit aisé à treize ans de se vaincre dans un dérèglement de passions prématurées, et de prévoir sagement les desseins de ceux à qui notre enfance nous a soumis ? C’est de cette source que découlèrent par la suite tous mes désordres. Qui put jamais résister au vice, après avoir eu le malheur d’y être instruit ? nous ne fûmes jamais que ce qu’on nous fit. Nos défauts, plus ou moins grands, se manifestent plus tôt chez les uns que chez les autres ; et leur progrès dépendit toujours du peu de soin qu’on eut de nous en corriger. Je m’oublie, la morale