Page:Perrin - Mouvement brownien et grandeurs moléculaires, 1909.djvu/3

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Or N a même valeur pour tous les corps. L'énergie moléculaire de translation a donc pour tous les gaz la même valeur moyenne alpha*T proportionnelle à la température absolue. Cette constante universelle alpha égale à (3*R)/(2*N) peut être appelée constante d'énergie moléculaire. Enfin une troisième constante universelle, atteinte, elle aussi, en même temps que N, se présente en électrochimie. Si l'on appelle faraday la quantité F d'électricité que laisse passer en se décomposant une molécule-gramme d'acide chlorhydrique, on sait que la décomposition d'une autre molécule-gramme quelconque s'accompagne du passage d'un nombre entier de faradays et que cela s'explique si un ion quelconque porte un nombre entier de fois la charge d'un ion hydrogène. Cette charge se présente ainsi comme indivisible, et forme l'atome d'électricité ou électron. On connaîtra celte constante universelle si l'on détermine N ou alpha; puisqu'en effet, à l'état d'ions, N atomes d'hydrogène charrient un faraday, on a (en unités électrostatiques C. G. S.).

N*e = F = 96 550*3*10^(9) = 29*10^(13).

On atteindrait donc d'un même coup, avec lus masses absolues des molécules et des atomes, les trois constantes universelles N, alpha, e.

3. — On a pu y réussir de façon déjà assez approchée par de beaux raisonnements dus à Maxwell, Clausius et Van der Waals. Maxwell est d'abord parvenu à calculer le libre parcours moyen L des molécules d'un gaz, quand on connait sa densité, sa température et sa viscosité. Ceci fait, Clausius observa que ce libre parcours moyen peut également se calculer en fonction du nombre n de molécules par centimètre cube et de leur diamètre D. Son calcul, amélioré par Maxwell, montre que (dans la limite où l'on peut regarder les molécules comme sphériques) on doit avoir à peu près :

n*(D^2) = [1/(Pi*(sqrt(2)))]*[1/L],

c'est-à-dire, puisque n est le quotient de N par le volume qu'occupe le molécule-gramme dans les conditions de température et de pression admises :

N*(D^2) = [1/(Pi*(sqrt(2)))]*[v/L].

Puisque la viscosité nous donne L, il suffit d'une seconde relation entre N et D pour déterminer ces deux grandeurs, atteignant ainsi, avec la constante d'Avogadro, les dimensions des molécules. Van der Waals a obtenu cette seconde relation au cours des raisonnements qui l'ont conduit à l'équation de l'état fluide,

(p + (a/(V^2)))*(v - b) = R*T,

où la nature particulière de la substance intervient par les deux paramètres a et b, que l'expérience donnera. Or, dans la théorie de Van der Waals, b représente le quadruple du volume vrai des molécules, selon l'équation

(1/6)*Pi*N*(D^3) = b/4.

qui, jointe à l'équation de Clausius-Maxwell, donnera N et D, c'est-à-dire les masses et les dimensions des molécules. On a fait ce calcul pour l'oxygène ou l'azote, ce qui donne pour N une valeur à peu près égale à 45.10^(22). En le reprenant pour l'argon, qui est monoatomique (et dont la molécule peut être réellement sphérique), je trouve

N = 62.10^(22)

sans qu'il soit facile d'apprécier l'erreur dont ce nombre peut être entaché, par suite du défaut de rigueur de l'équation de Clausius-Maxwell et de celle de Van der Waals. Un écart de 30 pour 100 n'étonnerait certes pas, et la même incertitude s'ensuit sur les valeurs qu'on en déduit pour les constantes e ou alpha, ainsi que pour les masses des molécules et des atomes. Quant au diamètre moléculaire, il serait, pour l'argon, 2,8.10^(-8), et, pour les divers gaz étudiés, il reste compris entre le millionième et le dix-millionième de millimètre. En utilisant ces résultats, la théorie moléculaire du mouvement brownien peut devenir quantitativement vérifiable. C'est ce que je vais montrer.

4. — Nous avons vu que l'énergie moléculaire a même valeur moyenne, à une même température, pour bous les gaz. Ce résultat est un cas particulier d'une proposition beaucoup plus générale de la théorie cinétique, d'après laquelle, à une température donnée, une même valeur invariable mesure soit l'énergie de translation, soit l'énergie de rotation, que possède, en moyenne, un assemblage quelconque de molécules situé dans un fluide. C'est là le théorème de l'équipartition de l'énergie. Cet assemblage peut se réduire à une seule molécule; mais il peut aussi bien former un granule déjà perceptible au microscope, et nous sommes par là ramenés à l'étude du mouvement brownien. Mais nous ne nous bornons plus à dire que le granule observé doit son agitation aux chocs moléculaires, et nous ajoutons que son énergie cinétique est en moyenne égale à l'énergie d'une molécule isolée. Si donc nous réussissons à calculer cette énergie granulaire