Page:Perrin - Mouvement brownien et grandeurs moléculaires, 1909.djvu/7

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de l'énergie granulaire W. Si notre théorie est exacte cette valeur sera indépendante de l'émulsion, et égale à l'énergie moléculaire moyenne w. Ou, ce qui revient au même, l'expression (3/2)*(R*T)/W sera constante. et peu différente du nombre obtenu pour N par Van der Waals. C'est ce que j'ai constaté. Six séries d'expériences. faites avec la gomme-gutte ou le mastic, où j'ai fait varier de 1 à 40 la masse des grains m'ont donné pour N des nombres irrégulièrement placés entre 65.10^(22) et 75.10^(22). L'écart moyen avec le nombre de Van der Waals n'atteint pas 15 pour 100, et il s'en faut que ce nombre comporte cette précision. Je ne pense pas que cette concordance puisse laisser de doute sur l'origine du mouvement brownien. Pour comprendre à quel point elle est frappante, il faut songer qu'avant l'expérience on n'eût certainement pas osé certifier que la chute de concentration ne serait pas négligeable sur la faible hauteur de quelques microns, et que par contre on n'eût pas osé davantage affirmer que tous les grains ne se rassembleraient pas dans le voisinage immédiat du fond de la cuve. La première éventualité conduisait à une valeur nulle de N, et la seconde à une valeur infinie. Que l'on soit tombé avec chaque émulsion dans l'immense intervalle qui semblait donc a priori possible pour N, précisément sur une valeur si voisine du nombre prévu, ne paraîtra sans doute pas l'effet d'une rencontre fortuite. Les plus gros des grains employés dans ces mesures sont déjà perceptibles au soleil avec une forte loupe et fonctionnent comme les molécules d'un gaz parfait dont la molécule-gramme pèserait deux cent mille tonnes.

8. — Mais il y a plus, et dès lors qu'on regarde comme établie l'équation de répartition on trouve, pour la première fois, dans cette équation même, pour déterminer la constante N, un moyen susceptible d'une précision illimitée. La préparation d'une émulsion uniforme et la détermination des grandeurs autres que N qui figurent dans l'équation peuvent être, en effet, poussées à tel point de perfection qu'on voudra. C'est une simple question de patience et de temps. J'ai donc fait une série de mesures soignées, avec les grains de rayon égal à 0,212 microns dont j'ai parlé tout à l'heure, et j'ai ainsi obtenu pour la constante d'Avogadro la valeur

N = 70,5.10^(22),

toutes les autres grandeurs moléculaires s'ensuivent alors. La constante d'énergie moléculaire est

alpha = (3*R)/(2*N) = 1,77.10^(16).

La charge de l'électron est (en unités électrostatiques C. G. S.)

e = F/N = 4,1.10^(-10).

La masse de la molécule d'oxygène est

O(2) = 32/N = 45,4.10^(-24),

celle de l'atome d'hydrogène est, toujours avec la même précision :

h = 1,008/N = 1,43 .10^(-24),

et ainsi de suite. Le corpuscule cathodique, enfin, est :

c = h/1775 = 0,80.10^(-27).

Quant aux diamètres moléculaires, nous pourrons alors les tirer de l'équation de Clausius-Maxwell. Je grouse ainsi 1,7.10^(-8) pour l'hélium, 2,7.10^(-8) pour l'argon, 2.0.10^(-8) pour l'hydrogène, 2,6.10^(-8) pour l'oxygène, 4.0.10^(-8) pour le chlore, etc.... Mais, comme nous avons vu, ce calcul ne comporte pas, sauf peut-être pour les molécules monoatomiques. la même précision que celle qui est possible pour les masses.

9. — Les expériences qui précèdent permettent, comme nous venons de soir, d'établir l'origine du mouvement brownien, de peser les atomes, et de déterminer les diverses grandeurs moléculaires. Mais une autre marche expérimentale, à la vérité moins intuitive, était possible, et avait été proposée par Einstein, en conclusion de très beaux travaux théoriques. Sans plus s'embarrasser du trajet infiniment enchevêtré que décrit chaque grain en un temps donné, Einstein considère simplement son déplacement pendant ce temps, c'est-à-dire le segment rectiligne qui joint le point de départ au point diarrhée. Il montre alors que les hypothèses moléculaires et l'équipartition de l'énergie ont pour conséquence nécessaire l'équation

(ksi^2) = tau*[(R*T)/N]*[1/(3*Pi*a*zeta)],

(ksi^2) désignant le carré moyen de la projection, sur un axe Ox, du déplacement subi en un temps tau par un grain de rayon a dans un fluide de viscosité zeta. D'autre part, sous l'action des chocs moléculaires, les grains doivent tourner aussi bien que se déplacer. Et Einstein réussit, toujours en conséquence de la théorie cinétique, à montrer que le carré moyen (omega^2) de la rotation en un temps tau autour d'un axe arbitraire, doit vérifier l'équation

(omega^2) = tau*[(R*T)/N]*[1/(4*Pi*zeta*(a^3))].

Si l'on peut soumettre ces équations au contrôle de