Page:Perrin - Mouvement brownien et grandeurs moléculaires, 1909.djvu/8

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l'expérience, un aura deux moyens nouveaux et distincts de vérifier les hypothèses sur lesquelles elles se fondent et d'obtenir les grandeurs moléculaires.

10. -- La discussion des travaux antérieurs rendait plus que douteuse la première de ces deux équations, et, en ce qui regarde la seconde, on n'avait jamais même essayé de mesurer des rotations. Pourtant, comme j'avais des grains de rayon bien connu, je résolus de tenter une vérification précise. Je m'occupai d'abord des translations. M. Chaudesaigues voulut bien se charger des pointés relatifs aux grains de gomme-gutte de rayon égal à 0,212 microns. D'autre part, avec l'aide de M. Dabrowski, je fis des pointés analogues sur des grains de mastic de rayon égal à 0,52 microns. Les rayons éclairants, issus d'un bec Auer, étaient filtrés par une cuve pleine d'eau. La préparation était noyée dans l'eau, et l'on observait à immersion, notant avec soin la température. L'un des observateurs faisait à la chambre claire les pointés, au commandement de l'autre, par exemple de 50 en 50 secondes. L'examen de 5000 déplacements environ a montré sans conteste que la formule d'Einstein est rigoureusement exacte, donnant pour N la valeur 71,5.10^(22), presque égale à celle 70,5.10^(22) que j'avais obtenue par la méthode si différente qui consiste à étudier non l'agitation des grains, mais leur distribution. La moyenne 71.10^(22) serait acceptable. Le triomphe du la théorie cinétique, donnant le même nombre par des routes différentes, est manifeste.

11. — Sur la figure ci-jointe on voit. à un grossissement tel que 10 divisions du quadrillage représentent 50 microns, trois dessins obtenus en traçant les segments qui joignent les positions consécutives d'un même grain de mastic, de rayon égal à 0,52 microns. pointé de trente en trente secondes. C'est le carré moyen de la projection sur un axe de tels segments qui vérifie la formule d'Einstein. Ces dessins ne donnent qu'une idée très affaiblie du prodigieux enchevêtrement de la trajectoire réelle. Si, en effet, on faisait des pointés de seconde en seconde, chacun de ces segments rectilignes se trouverait remplacé par un contour polygonal de trente côtés relativement aussi compliqué que le dessin ici reproduit, et ainsi de suite. Les mouvements ainsi observés sont l'image fidèle des mouvements moléculaires, ou mieux ce sont déjà des mouvements moléculaires, au même titre que l'infrarouge est déjà de la lumière.

12. — Pour varier les conditions, j'ai cherché, et j'ai réussi à préparer des grains beaucoup plus gros que ceux qui m'avaient servi jusqu'alors, dont les diamètres s'échelonnaient entre le quart de micron et micron. Pour cela, j'ai fait arriver lentement de l'eau, par un entonnoir à pointe effilée, sous une solution alcoolique de mastic. Les grains qui se forment alors dans la zone de passage ont couramment un diamètre d'une douzaine de microns, diamètre qui se mesure directement à la chambre claire, et sont donc environ 100 000 fois plus lourds que les plus petits de ceux qui m'avaient servi. Pour que ce poids ne les maintienne pas sans cesse au contact immédiat du fond, je les ai observés dans une solution d'urée à 27 pour 100 qui a presque leur densité, et dont la viscosité vaut 1,28 fois celle de l'eau pure. J'ai ainsi constaté que la formule d'Einstein s'applique encore, ce qui donne une vérification très étendue de l'équipartition de l'énergie.

13. — Mais, de plus, en raison de la grosseur de ces grains, et parce que certains d'entre eux contiennent heureusement de petits défauts qui servent de point de repère, j'ai pu constater et mesurer leur rotation. Pour cela, je pointais à intervalles de temps égaux la position de certains défauts, ce qui permet ensuite, à loisir, de fixer quelle était l'orientation de la sphère à chacun de ces instants, et de calculer approximativement sa rotation d'un instant à l'autre. Les calculs numériques, appliqués à environ 200 mesures d'angle faites sur des sphères ayant 13 microns de diamètre. m'ont donné pour N, par application de la Formule d'Einstein, la valeur 65.10^(22), alors que la valeur probablement exacte est 70,5.10^(22). En d'autres termes, si l'on part de cette dernière valeur de N, on prévoit, en degrés, pour sqrt(omega^2) par minute, la valeur

14 degrés,

et l'on trouve expérimentalement 14,5 degrés, la