Page:Perrin - Mouvement brownien et grandeurs moléculaires, 1909.djvu/9

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concordance. aussi bonne que peut le permettre l'approximation des mesures et des calculs, est d'autant plus frappante qu'on ignorait a priori même l'ordre de grandeur du phénomène étudié.

En résumé, la théorie moléculaire cinétique du mouvement brownien se vérifie de fanon rigoureuse et conduit, soit par l'étude de la distribution des grains, soit par l'étude de leur agitation, à la même valeur précise de la constante d'Avogadro, invariant essentiel de la structure de la matière.

14. — Indépendamment de la théorie cinétique ou du mouvement brownien, divers moyens permettent de se faire une idée sur les grandeurs moléculaires. Je veux au moins rappeler ceux de ces moyens qui, dès à présent, ont atteint quelque précision. C'est d'abord la célèbre détermination, due à J.-J. Thomson et à ses continuateurs, de la charge d'un ion gazeux, décelé par le phénomène de condensation de la vapeur d'eau sur cet ion. Cette charge. voisine de la charge déjà attribuée à l'électron, lui est sans doute égale (une démonstration plus rigoureuse est due à Townsend), et ceci conduit pour N à une valeur comprise entre 40.10^(22) et 90.10^(22). C'est, dans le même ordre d'idées, mais de faon probablement plus accessible à une expérience précise, la détermination de la charge prise dans un gaz ionisé par une poussière ultra-microscopique, charge pour laquelle MM. Ehrenhaft et de Broglie ont indépendamment trouvé des valeurs qui placent N au voisinage de

65.10^(22).

Ce sont enfin les très belles expériences où Rutherford et Geiger ont obtenu, par numération directe, le nombre p de projectiles positifs (rayons alpha) que rayonne par seconde 1 gramme de radium. La connaissance de ce nombre permet au moins trois déterminations distinctes de la constante N. L'une résulte de la mesure également due à Rutherford, et d'ailleurs difficile, de la charge positive totale rayonnée par 1 gramme de radium, et ceci a donné pour N la valeur

62.10^(22);

une autre résulte de la connaissance de la vie moyenne du radium, en admettant que chaque atome qui se détruit émet un projectile alpha, et, d'après les mesures de Boltwood, ceci a donné pour N la valeur

70,6.10^(22);

une troisième enfin résulte de la connaissance du débit d'hélium émané d'une masse connue de radium (chaque atome d'hélium correspondant à un projectile alpha) et ceci donne, d'après les mesures de Dewar, selon le calcul dû à M. Moulin:

71.10^(22).

L'extraordinaire concordance de ces nombres avec ceux que m'a donnés l'étude du mouvement brownien, la convergence précise de routes si profondément différente, suivies en même temps par différents chercheurs dont chacun ignorait les résultats des autres, sera sans doute regardée comme très frappante. Tenant compte d'autres arguments classiques dont je n'ai pas eu à parler ici, il pourra sembler raisonnable d'accorder à la Réalité objective des molécules, posée comme principe fondamental de l'Atomistique, le même degré de créance que par exemple au principe de la conservation de l'énergie ou au principe de Carnot.

Reçu le 2 décembre 1909.