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Théories moléculaires.

– Résumons ce qu'on disait par ailleurs de ces molécules : D'abord, si elles existent, si de façon plus précise il y a des molécules d'une sorte définie pour chaque espèce chimique, les lois de discontinuité chimique (Lavoisier, Proust et Dalton) imposent la notion d'atomes d'une sorte définie pour chaque corps simple.

Les rapports de poids de ces atomes, pour beaucoup de corps simples, sont alors obtenus par les analogies chimiques ou physiques (réactions analogues, isomorphisme, chaleurs spécifiques). C'est le cas des halogènes (chlore, brome, iode). Si donc nous prenons des masses de ces halogènes qui sont dans les rapports connus de leurs poids atomiques, elles contiennent chacune autant d'atomes.

Du même coup, nous savons donc prendre pour les trois acides chlorhydrique, bromhydrique, iodhydrique, des masses qui contiennent autant d'atomes de chacun des trois halogènes. Mais les molécules de ces acides très analogues doivent elles-mêmes contenir le même nombre défini d'atomes d'halogène. Donc nos masses des trois acides contiennent autant de molécules l'une que l'autre ; or on vérifie qu'elles occupent à l'état gazeux le même volume dans les mêmes conditions de température et de pression. La généralisation expérimentale de celte propriété si remarquable donne, sous forme de loi[1], la célèbre hypothèse d'Avogadro :

Deux masses gazeuses qui développent dans le même volume la même pression à la même température sont formées par des nombres égaux de molécules.

Loi qui donne évidemment, par des mesures de densité, les rapports des poids des molécules. Et qui permet de déterminer, comme on sait, ceux des rapports de poids atomiques que les analogies laissent encore incertains (celui de l'oxygène à l'hydrogène entre autres).

Appelant, selon l'usage, molécule -gramme d'un corps la masse de ce corps qui dans l'état gazeux occupe même volume que 32 grammes d'oxygène (à la même température et à la même pression) et atome-gramme d'un corps simple la plus petite masse de ce corps qui peut exister dans une molécule-gramme, on voit que les diverses molécules-gramme contiennent le même nombre N de molécules et les divers atomes-gramme ce même nombre N d'atomes. C'est le nombre d'Avogadro. La connaissance de ce nombre entraînerait évidemment celle des masses de

  1. J'attire l'attention sur cette justification de l'hypothèse d'Avogadro, qui dispense de recourir à des considérations plus incertaines et difficiles sur l'équipartition de l'énergie.