Page:Perrin - Notice sur les travaux scientifiques de Jean Perrin, 1923.djvu/37

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tout de suite une grande force à la théorie cinétique du phénomène.

Rien de plus précis ne pouvait être dit tant que l'on ne préparait pas des sphérules égales de grosseur connue. Ayant de tels grains, j'ai pu contrôler quantitativement les formules d'Einstein en recherchant si elles conduisent, pour le nombre d'Avogadro, à une valeur toujours la même et sensiblement égale à la valeur déjà trouvée.

On y arrive, pour la formule relative aux déplacements, en notant à la chambre claire (grossissement connu) les projections horizontales d'un même grain au commencement et à la fin d'un intervalle de temps égal à la durée choisie, de façon à avoir, par exemple, un grand nombre de déplacements effectués en une minute[1].

Plusieurs séries de mesures dans lesquelles on a fait varier la grosseur des grains (dans le rapport de 1 à 70.000), ainsi que la nature du liquide (eau, solutions de sucre ou d'urée, glycérine) et sa viscosité (dans le rapport de 1 à 125), donnent avec des écarts explicables par les erreurs d'expérience, des valeurs comprises entre 55.1022 et 72.1022. La concordance est telle qu’on ne peut douter de l'exactitude de la théorie d'Einstein.

Il faut d'ailleurs observer que, bien que didactiquement de difficulté comparable à la théorie cinétique de la viscosité des gaz, la théorie d'Einstein n'introduit pas d'approximations simplificatrices et se prête, comme la mesure de la répartition en hauteur à une détermination précise du nombre d'Avogadro. Ici encore, ce n'est qu'une question de temps et d'argent.

Mes mesures les plus soignées qui m'avaient donné N égal à 69.1022 avaient été faites sur des grains qui, pour des raisons qui n'ont plus d'intérêt, avaient leur position initiale à 6 m du fond de la préparation. Au cours de pointés que je lui avais demandé de faire dans des préparations épaisses seulement de quelques microns, René Costantin a constaté que le voisinage d'une paroi ralentit toujours un peu le mouvement brownien. Opérant alors, loin des parois, avec les grains qui m'avaient servi, il a trouvé pour N la valeur 64.1022, malheureusement avec trop peu de pointés (une centaine). Les mesures devaient être et seront reprises.

  1. Ces déplacements doivent se répartir, autour du déplacement moyen, comme les vitesse moléculaires autour de la vitesse moyenne, selon la célèbre loi de Maxwell (le raisonnement est le même). La manière sans doute la plus frappante de faire cette vérification (et dont je dois l'idée à Langevin) consiste à transporter parallèlement à eux-mêmes les déplacements horizontaux observés, de façon à leur donner une origine commune (ce qui revient à considérer des grains qui auraient même point de départ). Les extrémités des vecteurs ainsi obtenus doivent se répartir autour de cette origine comme les balles tirées sur une cible se répartissent autour du but. C'est, en effet, ce que j'ai constaté quantitativement.