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Page:Perrinjaquet - Corée et Japon, annexion de la Corée au Japon, traité du 22 août 1910 et ses conséquences.pdf/13

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nais ne voulaient pas avoir l’air de réaliser une annexion brutale et désiraient procéder par étapes successives avant de proclamer officiellement le fait accompli[1]. Le traité ainsi imposé aux infortunés ministres coréens contenait une clause destinée à faire apparaître comme une simple assistance provisoire l’intervention japonaise : il devait rester en vigueur « jusqu’au moment où l’on constatera que la Corée a reconstitué ses forces nationales ». Mais c’était là une formule purement « littéraire », ne présentant pas plus de sincérité que les nombreuses déclarations des ministres anglais sur l’évacuation de l’Égypte ; les signataires de cet acte extorqué à leur faiblesse ne se faisaient certainement pas d’illusions sur ce point.

Ce traité du 17 novembre 1905, qui est immédiatement appliqué, assure au Japon une suprématie complète sur l’Empire coréen. Le Japon reçoit, en effet, le droit d’établir des résidents dans les ports ouverts et sur « tous les points du territoire coréen où le gouvernement japonais le jugera nécessaire » (article 3 du traité). Ces résidents subordonnés à un résident général placé auprès de la Cour de Séoul, doivent remplacer les consuls : leur mission est en effet toute différente de celle de ces derniers, car ils n’ont pas seulement à s’occuper des intérêts de leurs nationaux, mais ont la direction de l’administration dans la région placée sous leur autorité et constituent autant de sous-gouverneurs relevant du résident-général. Ce dernier doit désormais être considéré, en fait et en droit, moins comme un représentant diplomatique que comme un gouverneur général de Corée au nom et pour le compte du Japon.

Cette situation juridique qualifiée de protectorat dans certains articles des traités, où il est dit que le Japon donne sa protection à la Corée, différait cependant du protectorat tel que le conçoit le droit des gens. Le protectorat international repose sur une entente de deux États dont l’un reconnait à l’autre des pouvoirs limités sur son territoire et se réserve le surplus de la compétence étatique, de sorte que l’accord des deux parties peut seul modifier les pouvoirs de chacun, et notamment élargir les droits du protecteur[2]. Or telle n’était pas la situation du Japon et de la Corée au lendemain des traités de 1904 et 1905. L’Empereur de Corée n’avait plus d’autorité propre, de compétence étatique réservée par traité, puisqu’il était obligé, en vertu des conventions, de suivre les conseils du Mikado et de ses agents, à la fois dans les affaires

  1. Sur les cas nombreux d’annexions déguisées de territoires sous des voiles divers, V. Perrinjaquet, Des cessions temporaires de territoires, 1904, et Des annexions déguisées de territoires, dans la Revue générale de droit international public, t. XVI (1909), p. 316 et s.
  2. V. sur ce point Perrinjaquet, Des annexions déguisées de territoires, dans la Revue générale de droit international public, t. XVI (1909), p. 320 et suiv.