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Page:Perrinjaquet - Corée et Japon, annexion de la Corée au Japon, traité du 22 août 1910 et ses conséquences.pdf/19

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pouvait plus supporter l’existence de pouvoirs étrangers sur un territoire soumis au Mikado ; le prestige à garder en face des Coréens exigeait l’établissement complet et définitif de l’autorité japonaise sur toutes les personnes résidant dans le pays.

Le régime douanier existant en Corée en vertu des traités de commerce conclus entre le gouvernement de Séoul et les nations étrangères ne satisfaisait nullement les conceptions économiques et les désirs des Nippons. Les nations européennes et l’Amérique bénéficiaient, en effet, pour leurs importations en Corée, de tarifs douaniers bien inférieurs à ceux qui ont été établis au Japon. Or la politique économique des gouvernants de Tokio est loin d’être inspirée par des idées libérales, elle est marquée au contraire par le protectionnisme le plus intransigeant. Les traités de commerce conclus avec les nations étrangères ont été récemment dénoncés et un tarif quasi-prohibitif sera appliqué l’an prochain aux marchandises importées au Japon, et c’est sous cette menace qu’on cherche à négocier de nouvelles conventions. Les Japonais ont donc voulu par l’annexion faire tomber les traités de commerce de la Corée et éviter la concurrence commerciale des autres pays dans leur nouvelle province, en réservant pour l’avenir à leur production le marché coréen et ses douze millions de consommateurs.

Il convient de remarquer que l’annexion officielle n’était pas indispensable au point de vue juridique pour permettre au gouvernement de Tokio de modifier le régime douanier en Corée ou de supprimer la juridiction consulaire. Néanmoins, elle était de nature à faciliter et à simplifier la solution de ces questions dans un sens conforme aux désirs du Japon en lui évitant l’obligation d’entrer en négociations avec les puissances.

L’annexion déguisée de territoires produit, en effet, en principe, les mêmes conséquences juridiques que l’annexion pure et simple[1]. Le changement de souveraineté, la substitution de compétence étatique effective font disparaître les engagements pris par le précédent gouvernement et les pouvoirs qu’il a pu conférer à d’autres États, sauf les droits pécuniaires constituant des situations juridiques subjectives ou individuelles entre les États[2]. Ces résultats sont admis dans la pratique internationale sans difficulté lorsque les puissances ont reconnu et accepté l’action politique de l’une d’elles dans un autre pays et la conquête effective qui a pu être réalisée, mais il s’est produit des difficultés

  1. V. Perrinjaquet, Des annexions déguisées de territoires, dans la Revue générale de droit international public, t. XVI (1909), p. 361 et Des cessions temporaires de territoires, 1904, p. 305 et suiv.
  2. V. Perrinjaquet, op. cit., dans la Revue générale de droit international public, t. XVI (1909), p. 362-363. — V. aussi Jèze, Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger, 1906, p. 687 et suiv.