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Page:Perrinjaquet - Corée et Japon, annexion de la Corée au Japon, traité du 22 août 1910 et ses conséquences.pdf/20

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sérieuses lorsque certaines puissances ont contesté la légitimité de la main-mise effectuée par une nation sur un territoire appartenant valablement à un autre État. Ainsi les grandes puissances signataires du traité de Berlin ont accueilli sans protestation la suppression des Capitulations opérée en Bosnie-Herzégovine par l’Autriche après la réorganisation administrative et judiciaire de ces provinces en 1880, ainsi que l’établissement de la juridiction anglaise à Chypre en 1879, alors qu’il n’y avait qu’annexion déguisée de ces pays à l’Autriche[1] ou à l’Angleterre[2]. Mais au contraire la France a réclamé avec vigueur lorsque l’Italie, s’étant établie à Massaouah, en 1881, refusa d’y admettre l’exercice de la juridiction consulaire. Le gouvernement français contestait avec raison la validité de l’occupation de l’Érythrée comme dépendant de l’Égypte, et lui refusait tout effet juridique, mais il ne méconnaissait pas que l’établissement régulier de la souveraineté italienne n’eût comporté une solution différente et la suppression toute naturelle du régime capitulaire[3]. Si l’Angleterre avait voulu autrefois abolir les Capitulations et les tribunaux mixtes en Égypte, les puissances, et spécialement la France, n’auraient pas manqué de répliquer en invoquant le caractère irrégulier et non consacré par les traités de l’action politique anglaise sur les bords du Nil.

Le Japon, souverain effectif de la Corée depuis 1905 avec l’assentiment tacite des puissances, pouvait donc très correctement informer les nations étrangères que les anciens traités conclus par le gouvernement de Séoul avaient cessé d’exister par suite de l’établissement de l’autorité japonaise. Mais il aurait fallu que la diplomatie de Tokio démontrât bien aux puissances tous les pouvoirs découlant pour le Japon des traités de 1904, 1905 et 1907. Cette preuve eût été aisée, mais on aurait dû pour cela négocier, échanger des Notes, et surtout courir le risque de se heurter à des résistances plus ou moins dissimulées, favorisées par les expédients diplomatiques dont les États abusent si souvent. Certaines nations auraient pu faire des objections au nouveau régime établi par le Japon, en s’appuyant sur l’existence apparente de l’État coréen et refuser de constater la réalité de l’annexion déguisée, opérée par le gouvernement du Mikado. La proclamation officielle et régulière de l’annexion de la Corée devait par elle seule couper court à toute discussion et à toute contes-

  1. Article 25 du traité de Berlin. — Comp. Perrinjaquet, article précité, loc. cit., p. 341.
  2. Convention du 4 juin 1878. — Comp. Perrinjaquet, article précité, loc. cit., p. 341.
  3. V. les Notes de Crispi et de Goblet, dans les Archives diplomatiques, 1889, t. IV, p. 115 et suiv. — Comp. Perrinjaquet, ouvrage précité, p. 340 et suiv. et article précité dans la Revue générale de droit international public, t. XVI (1909), p. 365. Adde Kiatibian, Conséquences de la transformation des États sur les traités 1892, p. 161 et suiv.