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Page:Perrinjaquet - Corée et Japon, annexion de la Corée au Japon, traité du 22 août 1910 et ses conséquences.pdf/24

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d’un fait accompli[1]. Mais cette fois, l’opération ne présente pas le caractère de mesure agressive qu’on a reprochée à l’action du Comte d’Aerenthal dans les Balkans. Nul ne s’est senti froissé dans son amour-propre ou menacé dans ses intérêts réels ou supposés par le traité du 22 août 1910. Le Souverain coréen a tout accepté, tandis que le Sultan de Constantinople a protesté avec énergie contre l’annexion de la Bosnie-Herzégovine, opérée par voie unilatérale[2], et que le peuple Turc a soutenu l’action de son gouvernement par la fameuse tactique du boycottage des marchandises autrichiennes, ce qui devait amener le gouvernement de Vienne à négocier avec les ministres ottomans et à payer une indemnité.

Dans l’affaire coréenne, les principaux intéressés avaient consenti d’avance, et spécialement la Russie par le traité de Portsmouth et les conventions successives qui ont consacré l’entente russo-japonaise dans les affaires d’Extrême-Orient. Aussi c’est à peine si l’annexion de la Corée a provoqué quelques manifestations de mauvaise humeur de la part de certains organes de la presse anglaise à cause de la fermeture éventuelle du marché coréen, mais le commerce extérieur de l’Angleterre avec la Corée ne se monte qu’à 16 millions de francs, ce qui ne constitue en somme qu’un intérêt minime pour l’Empire britannique. Le mouvement commercial des autres pays est encore bien inférieur, de sorte que la conquête japonaise ne lèse pas d’intérêt sérieux.

Seule la Chine est menacée par les progrès du Japon sur le continent, car l’absorption de la Mandchourie méridionale semble devoir être la conséquence prochaine de l’annexion de la Corée. Mais l’action du Japon pourrait bien un jour provoquer une résistance sérieuse de la part de la Chine, désireuse de prendre une revanche de ses défaites passées. L’Empire chinois paraît vouloir sortir maintenant de son immobilité traditionnelle et entrer à son tour dans la voie de la civilisation occidentale. Le gouvernement de Pékin cherche à constituer une armée solide, instruite et équipée à l’européenne. Un nouveau conflit armé serait donc possible, peut-être même probable, entre les Nippons, avides de conquêtes, et les Célestes, devenus capables de défendre leurs droits ; mais ce sont là choses de demain sur lesquelles il serait aussi imprudent que vain de se livrer à des prévisions.


  1. V. Perrinjaquet, article précité, dans la Revue générale de droit international public, XVI (1909), p. 350 et 358 ; Blociszewski, L’annexion de la Bosnie et de l’Herzégovine, dans la Revue générale de droit international public, XVII (1910).
  2. V. Laferrière, Le Boycott et le droit international ; dans la Revue générale de droit international public, XVII (1910), p. 301 et suiv.