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Page:Pert - Charlette.djvu/55

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la direction du Bois, dès que le père et la fille furent montés.

Jusqu’au point du Bois où le marin donna le signal de l’arrêt, lui et Charlette n’échangèrent que des paroles insignifiantes. Pourtant la gêne avait en partie disparu entre eux ; ils s’entretenaient doucement, une sorte de torpeur mélancolique qui n’était pas sans charme, répandue sur eux.

Il avait à peine fait quelques pas dans l’allée solitaire, où le soleil clair de cette belle matinée d’hiver pénétrait aisément au travers des branches dépouillées, qu’il dit à Charlette, de son ton d’autorité triste :

— Raconte-moi ta vie au Mesnil ?

Elle demeura interdite pendant quelques instants, faisant de vains efforts pour se représenter distinctement cette suite confuse de jours uniformes, où le bien-être matériel, même les joies enfantines qu’elle avait goûtées, étaient comme endeuillées par le sentiment de l’isolement moral que sa nature aimante ressentait de façon si poignante. Puis, inhabile à faire sentir cette nuance, elle énuméra ses passe-temps monotones, relata des faits quelconques, de puériles aventures.

Du Jonquier ne l’écoutait guère. Perdu dans une rêverie qu’entretenait la voix douce de la jeune fille, il remuait avec précaution des douleurs anciennes, surpris de les trouver si éteintes et en même temps