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Page:Pert - L Autel.djvu/12

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sonnée, voulue et calculée… La vraie paternité, c’est celle qui s’inquiète de l’enfant avant qu’il naisse, se demande : « Comment l’élèverai-je ? Quels soins matériels et intellectuels puis-je lui donner immédiatement ? » Le fou, le bourreau, c’est celui qui met au monde par routine, inadvertance et égoïsme, un être voué fatalement à la misère, aux privations, aux angoisses !…

— Dans le peuple… commença le docteur. Mais Robert l’interrompit avec une violence qui provenait de son âcre douleur d’avoir à briser, à torturer cette chère créature muette, immobilisée en face de lui ainsi que de sa sourde colère à la sentir, pour la première fois depuis un an qu’ils étaient mariés, résistante à sa volonté, raidie dans une terreur physique de l’acte qu’on lui suggérait, et un effroi moral de mal faire.

— Eh ! laissons le peuple !… Parlons de nous !…

Suzanne eut un subit tressaillement nerveux ; et, tandis qu’elle se courbait plus encore sur la table, son front et une partie de son visage, ses yeux cernés, au regard affolé, disparurent sous sa main crispée dans une instinctive défense.

Robert continuait avec volubilité :

— Parlons de nous !… de tous ceux qui, obligés à un décor, à un mensonge de luxe perpétuel, sont cent fois plus dénués, plus misérables que le dernier des prolétaires !… Parlons de toi, de tous ceux qui nous approchent… de nous deux… Suzanne et moi… pour qui l’enfant, en ce moment de notre vie, serait l’obstacle, la pierre qui fait trébucher quand l’abîme est tout autour de soi et que l’on ne se maintient sur l’étroite passerelle qui le traverse qu’à force d’équilibre, d’adresse et d’audace !… Un enfant !… Nous vois-tu un enfant ?… Nerveux, impressionnables, sans cesse secoués par les émotions, les déceptions, la lutte, comme nous le sommes, à quel être