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Page:Pert - L Autel.djvu/13

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défectueux, marqué de toutes nos angoisses, donnerions-nous le jour ?… Comment Suzanne, qui partage mes efforts, qui souffre comme moi, qui ne tient debout que par les nerfs supporterait-elle cette épreuve où la paix, le calme, la richesse du sang sont des facteurs nécessaires pour la femme ? D’ailleurs, que deviendrions-nous, l’enfant né ?… Qu’en faire ?… Aperçois-tu Suzanne nourrice ?… Ajoutant ce labeur, cet épuisement à tant d’autres travaux, à tant d’autres lassitudes !… Nourrice, une Parisienne, et dans les conditions d’existence où nous sommes, dans cet état précaire où nous nous trouvons, avec dans la tête ce tracas perpétuel de la vie du lendemain et de la dette de la veille !… C’est impossible !… Alors quoi ?… Nous séparer de notre enfant ?… L’envoyer chez quelque brute de la campagne, qui l’assassinera ou qui en fera un animal inférieur, un étranger pour nous ?… Des enfants !… Sans doute, j’en veux, et non pas un seul, plusieurs !… Mais, plus tard, quand nous aurons surmonté les obstacles, vaincu la déveine… Quand nous serons parvenus au sommet où l’on souffle, où l’on se repose, où l’on vit véritablement… Alors, dans la sécurité, dans la paix, nous aurons filles et garçons, que nous pourrons aimer, que nous entourerons de bien-être, de soins, de bonheur. Seulement, ce jour-là n’est pas venu… Quand viendra-t-il ?… Peut-être dans trois ou quatre ans… Peut-être dans six mois, si ce que j’espère se réalise…

Le docteur l’interrogea soudain :

— Tu as des nouvelles de ta pièce ?…

L’épiderme à vif, l’auteur répondit avec brusquerie :

— Rien de décisif encore.

— Madeleine Jaubert ?

— Mady en est toujours enthousiasmée. Elle se démène comme moi, courageusement, la pauvre fille !…