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Page:Pert - L Autel.djvu/120

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Il pénétra doucement dans la chambre de Suzanne, où depuis l’opération de la jeune femme il couchait sur un petit lit déplié chaque soir dans un angle.

Elle ne dormait pas. À la lueur de la veilleuse, il la vit se dresser ; il entendit son soupir de soulagement, le faible murmure de ses lèvres :

— Enfin, te voilà !…

Et, tout à coup, emporté par une impulsion irrésistible, il courut au grand lit, s’agenouilla au bord, et enveloppa le corps fragile de sa femme d’une étreinte angoissée.

— Ma Suzanne !… Ma chère et bonne petite Suzanne !…

Elle frémit toute.

— Qu’as-tu ?… Qu’est-il arrivé ?… Pourquoi n’es-tu pas rentré dîner ?… J’ai eu si peur…

Facilement, il entassa des mensonges. Un accident était survenu à un ouvrier… il était resté au théâtre ; puis, la répétition interrompue avait été reprise dans la soirée.

— Mais, pourquoi pleures-tu ? soupira-t-elle, oppressée, ses lèvres ayant bu l’humidité des paupières et des joues du jeune homme — de cet être uniquement adoré.

Il dit des craintes qui, très nettes, cruelles, s’imposaient à lui réellement en ce moment. — Sa pièce tomberait… il y découvrait peu à peu des trous, des inconséquences, des faiblesses irrémédiables… D’ailleurs, Madeleine Jaubert ne s’intéressait plus à son rôle… Il n’était pas sûr de Caula, ou plutôt, il était certain que, comme tous les cabotins, ce misérable ne cherchait que le succès personnel… À la première, il lâcherait la pièce, ne sortirait qu’un ou deux passages où il savait se tailler un triomphe aux dépens de l’auteur !… N’était- il pas réputé pour ces trahisons !… et malgré cela, ces imbéciles de directeurs couraient après son nom !…