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Page:Pert - L Autel.djvu/14

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Mais, que veux-tu ! actrice sans théâtre, ayant glané difficultueusement des succès de ci de-là, sur des scènes à côté, comme moi j’ai été jouaillé par raccroc, elle n’a guère de moyens d’action. Il faut un joint, une chance… Dieu sait que nous ne ménageons pas nos peines pour les décrocher, mais il y a tant de gens dans notre cas, aussi enragés que nous à la réussite… C’est la bataille perpétuelle.

— Évidemment, fit Julien, pensif, rêvant à ses projets personnels, à cette clinique gynécologique modèle qu’il édifiait en songe depuis trois ou quatre ans, d’où sortirait infailliblement pour lui la notoriété et la richesse, mais pour l’établissement premier de laquelle il s’exténuait en vain pour découvrir le bailleur de fonds, crevant la faim en attendant, et réduit aux plus humiliants expédients de la carrière médicale.

Robert reprenait son idée fixe.

— Non, le droit de la vie appartient aux parents tant que l’enfant n’est qu’une promesse… et cela non pas uniquement dans l’intérêt personnel de ceux-ci, mais dans celui de l’enfant lui-même… C’est préjugé, pusillanimité, que d’hésiter à user de ce droit de légitime défense contre les surprises de la vie…

Suzanne se levait, dans un geste de fuite vers sa chambre, pour dérober aux deux hommes l’émoi irrésistible qui s’emparait d’elle, il la retint, son bras l’enlaçant, tendre et impérieux :

— Pourquoi t’en vas-tu ?

Elle murmura, la voix étouffée :

— Laisse-moi…

Mais, un peu pâle, une ride se creusant entre ses sourcils, il la força à demeurer contre lui, elle debout, lui assis, décidé à poursuivre le débat, à remporter une victoire qu’il savait urgente, qui s’imposait sans retard.