Aller au contenu

Page:Pert - L Autel.djvu/19

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— En attendant, elle est partie et refuse de nous entendre.

Julien se leva et consulta sa montre.

— Sa fuite prouve précisément qu’elle est vaincue… Tant qu’elle se sentait sûre de sa résistance, elle nous a tenu tête. — Au revoir, je n’ai que le temps de courir chez le patron… S’il y a du nouveau, envoie-moi un bleu…

Trois fois par semaine le jeune chirurgien servait d’aide, sans rémunération, chez un grand praticien dont la lésinerie exploitait ses confrères débutants, en faisant briller à leurs yeux le titre d’élève de Corard que leur labeur complaisant payait.

Sur le palier, Julien Dolle eut un regard à la porte de l’appartement d’en face et demanda sur un ton de légèreté un peu forcé à Robert qui l’avait reconduit :

— La belle Féraud est toujours vertueuse ?

— Mais oui, répondit l’écrivain avec distraction, la pensée bien loin de sa voisine, peintre de talent et de certaine notoriété, divorcée, et qui vivait seule avec ses deux fillettes, dont l’une était estropiée.

Dolle ne pardonnait pas à cette femme, de deux ou trois ans plus âgée que lui, d’avoir tacitement refusé une proposition de mariage qu’il ne lui avait pas directement faite, et surtout d’avoir deviné les calculs qui, dans l’esprit du jeune homme, se mêlaient à un désir violent et sincère.

Resté seul, Robert revint à pas lents dans la salle à manger, d’où la présence de la domestique qui achevait de desservir, le chassa. Il vint s’accouder à l’une des fenêtres du salon, mal à l’aise, peu enclin à gagner son cabinet de travail, se sentant détourné du labeur quotidien, incapable de penser ni d’écrire, redoutant la chambre qui l’attirait pourtant, où Suzanne s’était réfugiée.