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Page:Pert - L Autel.djvu/270

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Féraud possédait une villa sur la côte encore déserte. Tout le long du jour, elle s’installait sur la petite grève rocheuse au bas de sa propriété sous une vaste tente plantée à demeure, surveillant les jeux de l’aînée de ses filles, soignant la seconde que sa coxalgie forçait à une presque complète immobilité.

Ce jour-là, il y avait dans le petit salon en plein air, outre la mère et les deux enfants, Suzanne Castély en séjour depuis un mois chez son amie, puis Robert et Julien Dolle.

Brusquement, le docteur, à la suite de l’affaire définitivement conclue avec la marchande d’antiquités s’était décidé à venir au Croisic, résolu à tenter un dernier effort auprès de madame Féraud, vers laquelle le ramenait un désir tenace, exaspéré par la résistance obstinée de la jeune femme.

En ce moment, il tenait solidement les deux mains de la jeune Marguerite, l’aînée des Féraud, qui essayait vainement de s’échapper, mi-rieuse, mi-colère.

Mince et longue, l’enfant avait de beaux yeux noirs expressifs, brillant dans le hâle uni du visage à l’ovale prononcé, à la bouche et au menton volontaires.

Lâchez-moi, docteur ! criait-elle, avec cette nervosité particulière des fillettes très précoces dont l’innocence physique est déjà traversée de vagues troubles.

— Du tout ! répondait le docteur taquin. Je veux que tu me dises toi-même tes projets d’avenir… Est-ce vrai que tu veux devenir médecin ?

— Lâchez-moi ! répétait-elle en trépignant. Je ne vous dirai rien, rien !… Je vous déteste !

Julien riait.

— Bah ! ce n’est pas vrai !… Tu m’aimes beaucoup, au contraire !…