Page:Pert - L Autel.djvu/29

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Il recommença sa lamentation :

— Ah ! si je l’avais, cette stupide et puissante confiance vaniteuse que l’on me suppose, cette rosserie implacable que je prétends posséder, comme je serais armé !… Quelles batailles je livrerais !… Mais, je mens, je mens !… Nul n’est plus lâche et honteux que moi derrière le bluff impudent que je m’impose ; nul n’est plus hésitant à mettre le pied dans la fange nécessaire, dans le fumier où fermentent et germent les gloires !… Nul n’a plus conscience que moi que le talent est quelque chose d’en dehors de soi, vers quoi l’on tend perpétuellement la main, et que l’on ne saisit jamais ; que l’on ne saurait s’incorporer définitivement !… Ah ! le supplice de sentir vous visiter, fugitive, l’Idée !… de la pourchasser, d’essayer de l’étreindre, de la vaincre, de la posséder au moins une fois, virilement !… et de toujours la voir fuir, puis revenir, ironique, indépendante, se prêtant un instant pour se reprendre tout à l’heure et s’envoler, ne laissant entre vos doigts qu’un mannequin ridicule, que l’on ne reconnaît plus, que l’on considère avec effroi et mépris… que l’on rejette, désespéré, pleurant le rêve radieux, évanoui !… Puis, après des heures de désespoir et de rage, perdant l’espoir de jamais retrouver le sublime fantôme, voici que l’on essaie de galvaniser ce grotesque cadavre que l’on hait pour tout ce qui habita en lui et en partit… On s’acharne à parer cette dépouille… Et honteux, torturé de son impuissance à lui glisser quelque vie, à ranimer cette chair morte, l’on relève malgré tout le front, l’on compose son maintien, l’on montre cette chose détestée, l’on affecte une fierté… l’on vante cette pourriture, afin d’en imposer aux autres… On essaie de persuader au public que l’on a pu emprisonner et garder le songe qui vous hanta… et, domptant sa nausée, l’on ouvre ce suaire… L’on dit avec