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Page:Pert - L Autel.djvu/30

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une impudence angoissée : « Voici une œuvre superbe… Admirez mon génie ! » Et, c’est la lutte affolée pour que la foule s’agenouille devant une idole sur laquelle soi-même l’on crache !…

— Pauvre, pauvre cher ! murmurait Suzanne, caressant de ses lèvres le front brûlant de l’homme attaché désespérément à cette frêle colonne d’amour et de dévouement.

Déchirée par la souffrance qu’il révélait, elle était pourtant glorieuse de la confiance qu’il lui montrait.

— Oui, plains-moi, prononçait Robert d’une voix presque enfantine. Plains-moi, dorlote-moi, sois bonne, très bonne… parce que je souffre beaucoup, je t’assure… Sois forte et courageuse, car, moi, je suis vaincu.

— Non ! mais non, fit-elle doucement. Tu as une heure mauvaise, qui va bientôt être finie, et ensuite ta force, ta légitime foi en toi renaîtront… N’y a-t-il pas des jours sombres, infiniment sombres, où toute lueur semble morte à jamais… Pourtant, les nuages ayant glissé, l’éclaircie se fait, le soleil luit de nouveau… Sois certain, mon aimé, que ton soleil, le beau soleil de ta gloire sûre est là, tout proche… Ferme tes yeux, dors tandis qu’il fait nuit, et tu te relèveras au jour revenu, bientôt, je te le dis… je te l’affirme…

Dans un élan, tressaillant, il souleva son visage.

— Ma Suzanne… ma chère Suzanne !

En tous deux, leur émotion aux causes multiples et profondes se transmuait à cette minute en sensuel émoi d’une rare intensité…

Leurs regards se confondirent sans se voir, attirés quand même par l’embrassement impérieux de leurs rayons ; leurs lèvres se tendirent et se joignirent. Ils s’oublièrent dans une caresse violente, où leur anxiété, leur souffrance, tous les doutes et les remords anticipés qui