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Page:Pert - L Autel.djvu/82

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atteint. Elle se transformait avec une rapidité prodigieuse sous l’empreinte de la douleur corporelle. Elle pourrait être plus belle, plus digne d’être aimée ; elle ne serait plus jamais la Suzanne qu’il avait tenue dans ses bras, la Suzanne uniquement adorée durant ces deux années qu’ils avaient passées côte à côte, âme contre âme.. Elle lui échappait, elle s’envolait… en vérité, elle était partie, et celle qui reposait là, muette, grave, vaincue, était une autre créature…

De nombreuses minutes avaient fui, tandis qu’il s’abandonnait à sa rêverie maladive, incohérente, tenant du cauchemar. Engourdi, glacé dans le fauteuil où il était étendu, il lui semblait impossible de se lever, de libérer en même temps son corps d’une immobilité pénible, et son esprit des douloureuses pensées qui l’avaient envahi. Suzanne se soulevant dans son lit avec une légère plainte rompit le charme. Il se leva, se pencha.

— Quoi ?… Qu’as-tu ?…

Cette fois, elle fixa sur lui un regard conscient, et ce fut de sa voix habituelle, seulement un peu plus basse et comme honteuse qu’elle répondit :

— Je souffre…

Il eut l’impression d’une lame aiguë et froide pénétrant dans sa chair à lui.

— Tu souffres ? Ma chère… Où souffres-tu ?

Elle détourna les yeux, gênée.

— Ce n’est rien, fit-elle avec une contrainte.

Il ne la questionna plus. Il s’assit sur le lit, l’entoura de ses bras, embrassa doucement, paternellement le front, les paupières, les tempes de la jeune femme. Sa peau était moite ; elle ne s’abandonnait pas à son étreinte ; il percevait quelque chose comme une onde douloureuse passant à tout moment dans sa chair.

Il la laissa.