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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/126

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bourdonnement des conversations très élevées.

Toutes les tables étaient occupées ; des arrivants allaient et venaient, montaient au premier étage pour découvrir un guéridon libre et redescendaient désappointés. Les uns sortaient, l’air déçu ; d’autres s’entêtaient, attendaient debout et anxieux que quel- qu’un sortît. Il semblait qu’il y eût un attrait immense à consommer du chocolat huileux et du thé de l’Inde exécrable en ce lieu, que desservaient avec une négligence pleine de désinvolture des « maids » en tabliers à bretelles et des nègres vêtus de blanc, le visage d’un noir d’ébène poli couronné de la masse crépue de leur épaisse chevelure.

Mlle Lavernière s’inquiétait.

— Mon Dieu, nous ne pourrons trouver de place… Alors, comment votre père nous rejoindra-t-il ?

Cady répondit avec tranquillité :

— Mais si, on va se caser tout de même, vous verrez…

Elle avança dans la salle, se frayant, un chemin entre les groupes avec aplomb. Et, soudain, elle eut un sourire de contentement.

— Voilà notre affaire !

Et elle fonça résolument jusqu’à une table occupée par deux jeunes gens.

Elle avait reconnu Maurice Deber et Jacques Laumière.

— Vous… vous allez nous faire place ! déclara-t-elle en s’emparant d’une chaise.

Et, couvrant le jeune peintre d’yeux subitement attendris, sans s’occuper de son institutrice ni du compagnon de son ami, elle ajouta, dégonflant son cœur :

— Mon petit Jacques, je suis si heureuse de te retrouver, aujourd’hui, si tu savais !…

Des larmes involontaires montaient à ses paupières ; elle se sentait amollie, vaincue par toute la fatigue morale et physique de cette journée.