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Page:Pert - La Petite Cady.djvu/130

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Puis, rencontrant le regard noir et hostile de Cady qui, sans se détortiller de ses couvertures, avait tourné la tête et soulevé ses paupières, elle sauta à terre, un peu confuse.

— Ah ! vous voilà enfin réveillée, Cady ? Je sonne pour le chocolat ?

Cady referma les yeux.

— Si vous voulez.

Mais, le déjeuner apporté par Maria, aucune prière instante, aucune objurgation impatientée ne put la décider à se lever, ni même à essayer de tremper ses lèvres dans la tasse que Mile Armande posa près de la couchette où elle se terrait, d’un geste frileux et farouche.

— Je n’ai pas faim, j’ai sommeil, laissez-moi, répétait-elle maussade.

L’institutrice fit un grand geste.

— Après tout, faites comme vous voudrez !… On n’a pas idée de lubies pareilles !…

Et boudeuse, elle aussi, elle s’établit dans le fauteuil, le dos tourné à son élève, et parut se plonger dans la lecture d’un volume quelconque. Mais c’était à sa propre histoire qu’elle songeait, le cœur battant, les tempes enfiévrées, une émotion mettant un goût de cuivre dans sa bouche.

Allait-elle plaire à ce gros homme cynique ? Serait-elle capable de l’amener à cette liaison durable qu’elle ambitionnait et dont le but seul, à ses yeux, motivait son abandon d’aujourd’hui au caprice du maître ?

Elle se rappelait avec honte et rage ses précédentes aventures, si inutiles et si mortifiantes : l’espèce de viol consenti qui l’avait livrée au charretier de la ferme paternelle, quand elle atteignait ses treize ans ; sa courte liaison avec un employé de commerce louche et albinos, son voisin de chambre dans la pension de famille où elle logeait avant d’entrer à l’école de Sèvres ; et enfin l’étreinte hâtive, incom-